Bas-Congo : le manioc attaqué par un champignon ne produit plus

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plantation de manioc
plantation de manioc

(Syfia Grands Lacs/Rd Congo) Au Bas-Congo, le manioc attaqué par un champignon ne produit presque plus au grand désespoir des paysans, qui hésitent à en planter pour la prochaine saison culturale. Jusqu’à présent, aucune des variétés testées par les chercheurs n’y a résisté et la maladie continue à se propager.Au centre de négoce de la cité de Lukula, à 170 km de Matadi, chef-lieu de la province du Bas-Congo (sud-ouest de Kinshasa), les paysans sont nombreux ce samedi du mois de septembre, jour de marché. Ils viennent des villages environnants pour y vendre les produits de leurs champs. Ils sont tous inquiets en ce début de la saison de pluies. « Faut-il vraiment cultiver sur de grands champs de manioc pendant cette saison qui débute ? Pour obtenir quel résultat ? », s’interroge Arnold Puati, un agriculteur de Kakongo, un secteur de Lukula. Le doute s’est en effet emparé des paysans de ce territoire, depuis qu’environ trois ans une maladie inconnue des experts agricoles, dévaste leurs champs.
Selon Christian Senga, un agronome, citant une enquête menée fin 2009 par la FAO (Fonds des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) dans dix champs des secteurs de Kakongo et Puta, deux tiers des récoltes sont perdues.

Agriculteurs impuissants

Contrairement à la mosaïque qui est d’origine virale, c’est un champignon blanc semblable à celui qu’on retrouve sur les palmiers qui s’attaque au manioc. Il s’installe sur le collet (base de la plante) et fait dessécher les parties aériennes des tiges. Les tubercules pourrissent alors ou se dessèchent, et certaines plantes n’en donnent carrément pas sinon de tout petits que les cultivateurs déracinent rapidement. « Ces symptômes sont généralement associés aux pourridiés dus à armilaria sp ou à fomes sp (agents pathogènes qui causent la pourriture du manioc, ndlr) », explique un rapport publié par l’Institut internationale de l’agriculture tropicale (Iita) et l’Institut national d’études et de recherches agronomiques (Inera).

Les agriculteurs assistent impuissants aux dégâts causés par cette maladie. « Chaque matin quand je me rends au champ, je me demande comment faire pour arrêter l’expansion de ce malheur », témoigne Maurice Lau, du village Kimbianga. Les paysans l’ont surnommé “sida” ou “Loko”, faisant allusion à un champignon qui attaque le palmier et oblige les planteurs à l’abattre. « Nous devons notre survie à cette plante, il ne faut pas que la famine et la malnutrition gagnent nos campagnes », lance comme un cri d’alarme Espérance Nzunzi, la présidente de l’Association pour la promotion de la femme de Lukula.

Aussitôt que la maladie avait fait son apparition, elle avait alerté les autorités ainsi que l’Iita et l’Inera. Car le manioc constitue l’aliment de base au Bas-Congo. Il est mangé à la fois cru, bouilli, grillé et donne différents sous-produits comme la chikwange, le fufu, le pain ou encore le beignet.

Toutes les variétés attaquées

Quand il y a une dizaine d’années, la culture de café également pratiquée dans la région, était infectée par une plante envahissante (epatorium odorantum) appelée localement “Congo ya sika” ou sida, « le manioc nous a redonné la joie de vivre », fait remarquer Adrien Ngimba. Cet ancien caféiculteur a pu s’acheter sa première moto, des tôles pour sa maison et d’autres biens après s’être converti au manioc. Aujourd’hui, lui comme les autres paysans ne savent s’ils doivent bouturer au pas. Les pluies qui arrivent ne les rassurent pas, car elles sont un moment particulièrement propice au développement du champignon dévastateur. « Avec les 5 ha que j’ai plantés, quelle quantité vais-je récolter ? », interroge Adrien.
Leur inquiétude est d’autant plus grande qu’en novembre 2009, une première tentative menée pour lutter contre la maladie n’a pas donné des résultats. Un champ expérimental de 32 variétés de manioc avait été planté, pour choisir celle qui résisterait au fameux champignon. Mais aucune n’a pu résister même si leur croisement pourrait donner une variété tolérante d’ici 3 ans. Pour l’heure, les experts agricoles n’ont pas d’autre véritable recommandation à faire aux paysans, si ce n’est « d’introduire des variétés ayant des traits similaires à la variété Lukie largement cultivée dans la contrée », et de faire de profonds labours et un bon enfouissement des tiges lors du bouturage.

Des échantillons du champignon ont été envoyés au Bénin où l’Iita a un important laboratoire d’analyse. Entre-temps, le champignon gagne du terrain. Après Lukula, il est signalé à Kinzau-Mvuete dans le territoire voisin de Sekebanza. « C’est normal et la propagation sera importante, car les spores (semences du champignon, ndlr) restent longtemps dans le sol et se propagent par des objets infectés, les boutures de manioc… », avise Adelaïde Lodinga, une biologiste.

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