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    Matadi : Médecins et escrocs

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    Hôpital général de Songololo/Infobascongo

    (RCN J&D – InfoSud / Syfia) A Matadi, les postes de santé fleurissant dans les quartiers sont un danger pour les patients. Leurs promoteurs se soucient avant tout de leurs revenus, et facturent les soins plus chers que dans les structures de soins reconnues. La justice instruit de nombreuses plaintes.

    Mi-mai 2012, Sarah Miantula, 12 ans, est prise de maux de ventre. Son père, Floribert Lufuankenda, maçon, pense tout de suite à l’appendicite. Il l’amène dans un poste de santé de fortune au cœur du marché Mvuadu, un quartier populaire de Matadi. « Avant le poste de santé appelé ‘La main de Dieu’, il y avait là un mauvais restaurant », se rappelle Emmanuel, un habitant. Au terme de sa consultation ; le docteur Frédérik Lukoki, médecin visiteur de « La main de Dieu », confirme le diagnostic. « Ta fille, dit-il, souffre de l’appendicite et doit obligatoirement subir une intervention chirurgicale. Cela coûtera 72$. » Le double du prix d’une telle opération dans un hôpital digne de ce nom…

    Quelques jours après l’opération, la plaie de Sarah ne cicatrisait pas et commençait à s’infecter. Transférée à l’hôpital de Kinakanda, selon le docteur Ferdinand Ango, elle subira trois autres interventions avant de décédé à cause de perforations intestinales causées par la première opération à « La main de Dieu »… Le « docteur » Frédérik Lukoki, lui, s’est entretemps évaporé.

    De tels drames ne sont pas rares dans ces postes de santé improvisés. Dans certains quartiers, comme Ndemba, on en trouve regroupés à une centaines de mètres les uns des autres : « Elikia », « La foi », « La vie », « La promesse »… Leurs dénominations semblent d’autant plus optimistes que les chances d’en sortir indemnes sont moindres. Ces lieux sont tenus par des infirmiers,voire des médecins qui espèrent gagner ainsi de l’argent, au détriment de la sécurité des patients.

    Hors-la-loi

    L’ordonnance-loi n°086-122 du 18 avril 1986, dans son article 5, stipule que « seul le ministère national de la Santé publique a le droit d’autoriser l’ouverture d’établissements sanitaires, et cela après que la zone de santé de leur ressort respectif ait établi un avis d’implantation. Le procès-verbal de constat transmis au médecin-inspecteur provincial doit être soumis au préalable à l’appréciation du ministre ». Une disposition rarement respectée dans les faits. Pour le docteur Bonga Nsangu, chef du bureau provincial chargé des établissements de soins à la division provinciale de la santé publique, « c’est la survie qui pousse les gens à monter des structures médicales de fortune ».

    Il y a quelques années, en 2007, lorsque les contrôles étaient plus rigoureux, 24 formations médicales non autorisées furtent fermées dans la province, notamment à Boma et à Muanda, deux villes au sud-ouest de Matadi. Aujourd’hui, toutes ont rouvert, malgré la présence de quelques membres du parquet du tribunal de grande instance au sein de la commission ad hoc sensée veiller sur l’application de cette disposition.

    Oscas Mavila, médecin inspecteur provincial du Bas-Congo, pense que cela est due à « l’immixtion de certaines autorités politiques locales qui se permettent de délivrer des autorisations d’ouverture alors qu’elles n’ont ni qualité ni compétence pour le faire ; naïve, la population pense y gagner en termes de frais à payer ». Ainsi, fait-il remarquer, « sur 126 postes de santé répertoriés en 2008 à Matadi autres que ceux de l’Etat, 19 seulement respectaient la légalité ». Depuis, regrette-t-il, aucun autre recensement n’a été effectué, faute de moyens mis à la disposition de l’inspection provinciale.

    Médecin chef de zone de santé à Matadi, cette situation suscite la colère de Julien Ngita. Il dit disposer d’un plan de couverture sanitaire qui détermine les endroits où devraient être implantées des structures médicales, en se basant sur le nombre d’habitants par aire de santé. Selon lui, « les structures actuelles n’offrent pas de service au bénéfice de la population ».

    C’est le cas, par exemple, du centre médical Nieca situé dans le quartier Ngadi, commune de Mvuzi et spécialisé, selon un médecin, en « phytothérapie moderne ». En 2011, une filette de 4 ans est décédée suite à son traitement de la drépanocytose. Son père, Tity Dino Vangu, a porté plainte en avril 2011. Le parquet a instruit ce dossier transmis au tribunal de grande instance (TGI), qui n’a pas encore statué.

    Respecter les instructions

    Greffier au TGI de Matadi, JNM constate la constance de jugements, ces dernières années, concernant les plaintes contre des médecins ou des infirmiers oeuvrant dans de telles centres de santé. En ce moment, relate-t-il, se tient d’ailleur au tribunal un procès opposant une famille à un infirmier ayant causé la mort d’une jeune fille de 16 ans lors d’un avortement.

    Oscar Mavila insiste, pour mettre fin à ces affaires, sur la nécessité de respecter les instructions de la hiérarchie médicale. « On ne peut opérer ni faire accoucher une femme dans un poste de santé. Dans un centre de santé, on ne peut faire que des accouchements eutociques (normaux, NDR) et assurer les couvertures vaccinales. Le malade ne peut y rester plus de trois jours. Dépassé ce délai, il faut transférer vers un hôpital général de référence qui pratique les accouchements dystociques (difficiles, NDR), les interventions chirurgicales, qui traite les cas de cancer, de tumeurs, les maaldies épidémiologiques, etc. » Le tableau reste néanmoins sombre. Louis Gomez Pelani Lumika, coordonnateur de l’Ordre des médecins du Bas-Congo, rappelle que tout médecin qui se compromettra dans l’exercice de ses fonctions en ne respectant pas le serment d’Hippocrate « sera sévèrement sanctionné et exclu de l’Ordre suivant la gravité de l’infraction ». Cela sera-t-il suffisant pour décourager ceux qui tentent de se faire de l’argent sur le dos des malades ?

    Martin Nlandu-di-Lusala

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