spot_img
vendredi, mars 29, 2024
More
    spot_img
    AccueilA la uneMaroc: des migrants congolais dans les forêts marocaines

    Maroc: des migrants congolais dans les forêts marocaines

    -

    (Syfia Grands Lacs/Maroc) Au Maroc, des Congolais vivent dans des forêts dans un dénuement total, avec l’espoir de franchir les hauts grillages qui les séparent des enclaves espagnoles, portes d’entrées pour l’Europe tant espérée. Le plus souvent en vain.

    Camps de migrants africains à Nador au Maroc, REUTERS
    Camps de migrants africains à Nador au Maroc, REUTERS

    Dans la forêt de Fnideqaux confins du Maroc près de la frontière des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, des tentes de fortune entre deux rangées de grands arbres, devant l’une d’elles, une dame, son bébé dans le dos, s’active devant un foyer d’où monte une fumée épaisse. A côté, assis sous un arbre mort, un groupe d’hommes de 20 et 25 ans, devisent bruyamment. ’’Nous sommes du Congo-Kinshasa et nous sommes ici pour chercher les moyens de nous rendre en Europe’’, dit l’un d’eux.

    « Lorsque les migrants entrent dans la forêt, soutient Serge Nguemo, membre du conseil des migrants, une organisation créée par des migrants pour sensibiliser, eux-mêmes, sur leurs problèmes, c’est pour procéder à des attaques. » Dans le jargon des migrants, attaque signifie passage en force du grillage tranchant de 7 mètres de hauteur qui sépare l’Espagne du Maroc. Pour réussir une « attaque », les migrants opèrent en grand nombre, plusieurs centaines. « C’est pour faire face aux gardes civils espagnols ou aux soldats marocains qui nous empêchent d’entrer en Espagne », explique Lino, un migrant congolais. Ils s’arment aussi de toutes sortes d’outils pour y parvenir : pinces, scies ou encore des gourdins pour se défendre. Mais, si certaines attaques aboutissent, comme début septembre 2013 où plus de 150 migrants avaient réussi à défoncer le grillage de Melilla, « elles sont aléatoires, une sur 10 réussit« , affirme Reuben Odoï de Terre des Hommes.

    La dernière en date, le 22 janvier, a réuni 800 migrants d’Afrique sub-saharienne repoussés par les forces de sécurité marocaines averties par les Espagnols qui surveillent la frontière à l’aide d’hélicoptères et de caméras. Aucun migrant n’a pu passer.

    Désillusions

    De nombreux Congolais campent ainsi dans des forêts marocaines proches de Tanger, Oujda et Nador, des villes. Selon des chiffres officieux, quelques 3 500 congolais séjournent au Maroc. « Beaucoup sont des dignitaires du régime de Mobutu qui sont réfugiés ici, des étudiants mais aussi les victimes des passeurs de migrants », avance Franck Camara de l’Organisation démocratique des travailleurs immigrés (ODTI), syndicat des immigrés créés en 2012.

    On y trouve aussi des Sénégalais, les plus nombreux, des Camerounais, des Guinéens, des Ivoiriens, des Maliens…que les autorités marocaines chiffrent entre 40 000 et 50 000.  Avant, ils partaient dans des embarcations des fortunes pour rejoindre les côtes espagnoles, mais depuis l’activation en 2012 de Frontex, l’opération de sécurisation des frontières européennes sur la Méditerranée, le seul espoir des candidats à l’immigration est de rentrer par Ceuta et Mellila.

    Mais le plus souvent la désillusion est au rendez-vous comme le reconnait Lubaki, un autre Congolais : « Je suis restée plus de dix mois dans la forêt, mais je n’ai pas réussi à pénétrer dans l’enclave espagnole ». « Pour entrer dans la forêt, révèle Pablo, un candidat malheureux à l’immigration qui s’est cassé les deux jambes en tombant du grillage de Mellila qu’il avait réussi à escalader fin septembre, il faut prévoir des vivres ». Mais très souvent, faute de moyens, la majorité des migrants y entre sans provisions. Ils sont ainsi obligés de vivre à l’état sauvage ou d’attendre des vivres apportés par des organisations caritatives espagnoles qui régulièrement visitent les migrants dans les forêts pour les soigner.

    Misère et conflits armés

    « Si nous tenons tant à aller en Europe, c’est parce que là-bas au moins on peut changer de condition : avoir un travail et manger à sa faim », clame Aimée, une Congolaise qui a vécu plusieurs mois dans la forêt de Gourougourou non loin de Melilla. « Ils ne vivent pas dans la forêt parce qu’ils le veulent, soutient Cheick Mohamed Sylla, membre d’une organisation de défense des droits des migrants, mais par crainte des tracasseries policières car ils sont généralement en situation irrégulière au Maroc ».

    La majorité de ces Congolais justifie ce choix de l’immigration par la misère. « Chez nous au Congo-Kinshasa, les gens vivotent. C’est difficile de trouver un travail bien rémunéré et la vie y est dure », déplore Romain, un adolescent qui a bravé tous les dangers pour venir au Maroc. Lino, un ancien enseignant du secondaire est tout aussi défaitiste. « Travaillant à Kinshasa, je ne gagnais que 20 $ par mois. Un salaire qui ne me permettait pas de m’acheter un pantalon dans une boutique« . Les conflits sont aussi l’autre raison du désespoir de certains Congolais « maquisards ». « J’ai été violée en 2009 lorsque la ville de Rutshuru est tombée aux mains des rebelles. Dégoutée, j’ai pris la route sans trop y réfléchir », affirme Préciose, originaire du Nord-Kivu.

    Malgré une vie de clandestins sans moyens et des espoirs régulièrement déçus, ces Congolais ne veulent pas rentrer au pays, sans avoir forcé le destin car « voir l’Europe ou mourir » est leur devise.

    Mohamed Mboyo Ey’ekula

    Le royaume chérifien régularise les migrants

    Depuis le 2 janvier dernier, le Maroc a démarré un processus de régularisation des dizaines de milliers de sans-papiers qui sont sur son territoire. Résultat des injonctions fermes données par le roi du Maroc au gouvernement Abdelilah Benkirane. Au moins 20 000 migrants sont concernés. Mais souligne le ministre de l’Immigration, Anis Bourri, « ne seront éligibles à l’octroi de la carte de séjour que ceux qui répondent aux critères préalablement définis ».

    C’est-à-dire les étrangers vivant au Maroc depuis au moins cinq ans, ceux qui exercent un travail rémunéré depuis deux ans ou ceux qui  peuvent faire la preuve d’au moins deux années de vie commune avec un Marocain ou une Marocaine et  aussi, les enfants issus des couples mixtes. Depuis le lancement de cette opération, les préfectures, où sont enregistrés les candidats à la carte de séjour, ne désemplissent pas’.

    Mais ces critères sont loin de faire l’unanimité. Pour certaines Ong de défense des droits des migrants, qui souhaiteraient que cette vague de régularisation s’adresse à tout le monde, on est loin du compte. « Si on s’en tient à ses critères de façon stricte, peu des gens seulement seront régularisés et on risque de revenir à la case de départ », estiment les activistes en appelant le gouvernement marocain à élargir les critères à défaut de les supprimer.

    MME

    Articles Liés

    LAISSER UN COMMENTAIRE

    S'il vous plaît entrez votre commentaire!
    S'il vous plaît entrez votre nom ici

    Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de confidentialité, ainsi que les Conditions de service Google s’appliquent.

    Stay Connected

    0FansJ'aime
    0SuiveursSuivre
    0SuiveursSuivre
    21,600AbonnésS'abonner

    Articles recents