Dans les principales artères de Kinshasa et Matadi, des jeunes approvisionnent commerçants et taximen en petites coupures de 50 et 100 Fc dont la rareté affecte les transactions. Ils trouvent leur compte dans ce nouveau métier apprécié.
Sacs en bandoulière ou sur le dos, des liasses de petites coupures de francs congolais en main, des jeunes, pour la plupart âgés de 18 à 30 ans, se postent chaque jour aux carrefours ou le long des grandes artères de Kinshasa. A l’approche d’un taxi, ils accourent proposer au conducteur de la petite monnaie à rendre à leurs clients souvent impatients et remuants. Sur le boulevard du 30 juin, la plus grande voie de la capitale congolaise, ces cambistes d’un autre genre profitent des feux rouges pour proposer leurs services. Contre un billet de 1000 Fc, ils donnent 900 Fc en coupures de 50 Fc ou de 100 Fc. Ils arrivent à vendre en moyenne 50 liasses par jour. Ils empochent jusqu’à 300 000 Fc (330 $) par mois, trois fois plus que le fonctionnaire de l’Etat payé moins de 100 $. Ce qui explique l’engouement de nombreux jeunes pour ce travail. « Il faut beaucoup d’acrobaties pour gagner plus. Je commence généralement à 7 h pour terminer tard dans la soirée », confie un revendeur de monnaie au rond-point Victoire à Matonge, le bruyant quartier kinois.
Matadi aussi
La rareté des petites coupures ne date pas d’aujourd’hui compliquant certaines transactions, et en particulier pour les chauffeurs de taxi. Des jeunes sans emploi qui passaient le clair de leur temps à traîner dans les carrefours sont tombés sur l’occasion pour servir d’intermédiaires. Un revendeur explique son circuit d’approvisionnement. « Nous nous approvisionnons en petites coupures au marché auprès des commerçants ou dans les stations-service. Nous appliquons ensuite notre marge bénéficiaire de 10 % », explique le jeune Patrick les mains chargées de liasses de 50 Fc. Parti de Kinshasa, le commerce de petites coupures de francs congolais a vite gagné Matadi, chef-lieu de la province du Bas-Congo.
Comme à Kinshasa, des jeunes gens proposent des petites coupures aux usagers de la route et aux petits commerçants des campagnes qui viennent s’approvisionner en marchandises. Si, à Kinshasa, les jeunes sont souvent traqués par les forces de l’ordre, à Matadi, leur présence aux différents lieux stratégiques de la ville portuaire satisfait les autorités locales qui voient baisser les vols et la criminalité. Jean-Marc Nzeyidio Lukombo, le maire de Matadi, se réjouit de cette reconversion. « J’apprécie le courage et la détermination de ces jeunes gens qui, ne pouvant plus vivre du vol comme autrefois et surtout du port dont la grande partie des activités a été délocalisée il y a quelques années vers Boma, font ce nouveau job ».
Rentable et moins pénible
Ces fournisseurs de petite monnaie apprécient ce travail. La trentaine révolue, Timothée Muanza, la trentaine, un des tout premiers jeunes de Matadi à se lancer dans l’aventure affirme couvrir l’essentiel des besoins. « J’ai définitivement arrêté de faire le porteur, boulot qui fait vieillir précocement de nombreux jeunes », affirme-t-il. Jean-Pierre Nsasa, un autre vendeur, montre fièrement sa nouvelle maison en dur en pleine construction. « C’est une activité qui me rapporte environ 9 000 Fc (10 $) par jour, affirme-t-il avec sourire, plus que celle de docker que j’exerçais jadis au port. Et cette année, mes enfants ont retrouvé le chemin de l’école qu’ils avaient pourtant abandonné depuis deux ans faute de moyens ».
Dieudonné Muaka Dimbi
