Congolais expatriés : « Pas de lait, ni de miel en Angola »

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Un Congolais trainé sur un engin en Angola/ Photo Internet

 

Un Congolais trainé sur un engin en Angolaise/ Photo Internet

Chaque année, de nombreux Congolais tentent par tous les moyens de s’installer en Angola. Certains terminent leur aventure en prison, d’autres meurent en chemin… Ceux qui ont la chance d’y arriver vivent souvent un calvaire au quotidien… Témoignages.

Donat*, un habitant de Matadi, a été libéré fin décembre 2012 de la prison angolaise de Makela à 70 km de la frontière avec la RD Congo. Il y a été détenu pendant plus de neuf mois pour « faux et usage de faux et entrée illégale ». Quelques mois auparavant, lui et cinq autres Congolais ont été arrêtés à Musera, en Angola, quand ils voulaient se rendre dans la capitale du pays « à la recherche de la vie ». « Les laissez-passer qu’un passeur angolais vivant à Matadi nous avait délivrés pour le voyage n’avaient plus cours légal. Les photos étaient nôtres, mais les noms étaient angolais », se souvient-il, triste, après avoir déboursé 850 $, tandis que ses camardes d’infortune jusqu’à 1200 $ chacun.
Après avoir été tabassés, ils ont été acheminés à la prison de Makela où ils ont rejoint, selon Donat, une centaine d’autres Congolais qui y étaient incarcérés. Parmi eux, des filles dont certaines ont accouché en prison, rendues grosses d’après elles par des policiers angolais pendant leur voyage… « Entrer illégalement en Angola et falsifier les documents sont des infractions que leur justice ne pardonne pas », prévient Samu. « Nous vivions dans l’incertitude, car c’est seulement neuf mois plus tard que les juges nous ont écoutés. Et, c’est grâce à notre franchise qui a démontré que nous avions été roulés, mais aussi grâce à notre bon comportement en prison, que nous avons été libérés », témoigne-t-il. A leur retour à Matadi, Donat a porté plainte contre le passeur qui a été arrêté par la police.

« Les Congolais ont perdu la solidarité »
Pays riche en divers minerais et en pétrole, l’Angola, en pleine reconstruction, est considéré comme un eldorado par de nombreux Congolais, mais aussi par des Ouest-africains qui tentent chaque jour l’aventure. C’est aussi leur lieu de halte pour un voyage encore plus improbable vers l’Amérique du Sud (Brésil) ou l’Europe.
Si beaucoup finissent en prison ou meurent en route comme ces 58 personnes mortes d’asphyxie dans un véhicule containeur en décembre dernier à Mbanza Kongo (10 Kms de la frontière congolaise), certains arrivent à tromper la vigilance de la police et des services d’immigration. G.N est de ceux là. De retour au pays, il témoigne : « A l’approche de chaque poste frontière, une fille et moi, on nous cachait sous les régimes des bananes à nos risques et périls ». D’autres se dissimulaient dans des fûts vides ou des sacs…
Cependant, ceux qui arrivent à destination se rendent vite compte qu’ils se sont trompés… Ils font face d’abord au problème de la langue. « C’est un frein énorme ! Cela peut vous prendre plusieurs mois pour maîtriser le portugais, explique Arlette, une Congolaise vivant en Angola. Entre temps, vous galérez car, les Congolais que vous rencontrez gagnent tellement difficilement l’argent qu’ils ont perdu le sens de la solidarité… »

Vendeur à la sauvette ou prostituée
Parmi ceux qui maîtrisent le portugais, beaucoup se livrent au petit commerce et ce quelque soit leur titre… « Ce n’est pas étonnant de rencontrer un Congolais, diplômé universitaire, qui vend à la sauvette, une bassine sur la tête, des beignets, des gâteaux ou des croupions de dinde… », avoue Dunamis, une Congolaise qui vit à Luanda. « Je sors chaque jour à 4 heures du matin et je rentre tard pour aller vendre loin à Kikolo (une trentaine de kilomètres de la capitale angolaise, Ndlr). Je ne sais plus m’habiller décemment, car je passe toute ma vie à rechercher l’argent », regrette-t-elle. Dunamis avoue aussi que plusieurs Congolaises se prostituent ou volent pour survivre. Certaines rentrent au pays après avoir contracté le VIH/Sida. « Quand nous envoyons de l’argent au Congo, c’est un sacrifice. Nous souffrons pour gagner cet argent », confesse, l’une d’elles.
La présence des Congolais est généralement mal tolérée par les Angolais, qui trouvent qu’ils viennent les déranger ou leur prendre leur travail. « Ils nous injurient et nous dépouillent de nos biens », se désole une immigrée. « Depuis cinq ans que je vis dans ce pays, je suis tout le temps stressée. Je sais que le peu que j’ai gagné, des bandits peuvent me le ravir à tout moment et me tuer », craint Dunamis.
Sidonie Makwala, de Matadi, implore vainement son fils de rentrer. « Aussi longtemps que je vivrai, je n’accepterai plus qu’un de mes enfants se rende dans ce pays ! », déclare-t-elle. Selon Arlette, les expatriés comme elle ont tellement donné hier une image de gens qui vivent bien, qu’ils n’acceptent pas aujourd’hui de rentrer bredouille… « On n’est mieux que chez soi. Il ne coule pas de lait, ni de miel en Angola ! », conclut Dunamis. Elle vient de dissuader son frère de la rejoindre. Il s’est depuis inscrit à l’Institut national de préparation professionnelle (Inpp) de Matadi. Il y apprend l’hôtellerie.

Alphonse Nekwa Makwala

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