Bukavu :Un Honorable derrière les barreaux

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Palais de Justice de Bukavu/Photo Radio Okapi

Palais de Justice de Bukavu/Photo Radio Okapi

(RCN J&D-InfoSud/Syfia/PML) Ancien gouverneur du Sud-Kivu et actuel député provincial, Déogratias Buhambahamba vient d’être condamné en flagrance à 1 an de prison ferme par la Cour d’appel de Bukavu. Aussitôt menotté et emprisonné, l’élu conserve son siège à l’Assemblée jusqu’à la décision de la Cour suprême de justice.

« Pour avoir exercé des violences légères à l’encontre du major Rodriguez Jesus, pour avoir violement détruit son appareil de communication, pour avoir usurpé les pouvoirs (…) la cour condamne le prévenu Déogratias Buhambahamba à 12 mois de prison ferme et au payement de 900 000 Fc (près de 1 000 $) de frais de justice. Elle ordonne l’arrestation immédiate du condamné« . Cette sentence a été lue par le 1er président de la Cour d’appel de Bukavu le 17 avril dernier, dans une salle d’audience archibondée.

Ce dossier en flagrance opposait donc le major Jesus Rodriguez, observateur militaire de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo au député provincial Déogratias Buhambahamba, ancien gouverneur du Sud-Kivu (2005-2006). Celui-ci est accusé d’avoir menacé et violenté légèrement ce soldat de la paix (l’avoir bousculé et tiré par sa chemise jusqu’à la déchirer) et d’avoir détruit la radio de sa voiture. L’incident s’est produit à 23 heures samedi 13 avril, dans la commune d’Ibanda, au cœur de Bukavu, quand le véhicule de Rodriguez a légèrement cogné celui de l’élu qui en est sorti furieux.

Le procès a commencé la veille de la condamnation dans une procédure de flagrance comme le veut l’article 1er de l’Ordonnance-loi du 24 février 1978, qui dispose que « toute personne arrêtée à la suite d’une infraction intentionnelle flagrante ou réputée telle, sera aussitôt déférée au parquet et traduite sur le champ à l’audience du tribunal« . L’article 2 ajoute : « L’infraction est réputée flagrante lorsqu’une personne est poursuivie par la clameur publique, ou lorsqu’elle est trouvée porteuse d’effets, d’armes, d’instruments ou papiers faisant présumer qu’elle est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin de l’infraction« .

Le 17 avril dernier, la Cour d’appel de Bukavu s’est aussi basée sur l’article 110 du Code pénal : « Quiconque aura détruit, renversé ou dégradé, par quelque moyen que ce soit, en tout ou en partie, des (…) machines, appareils télégraphiques ou téléphoniques ou autres constructions appartenant à autrui, sera puni d’une servitude pénale de cinq ans au maximum et d’une amende de vingt-cinq à mille zaïres ou d’une de ces peines seulement« .

Mêmes lois pour tous

Pour beaucoup de députés provinciaux, leur collègue n’aurait pas dû être arrêté, car ils sont en pleine session parlementaire. Ils se fondent sur l’alinéa 2 de l’article 107 de la Constitution disposant qu’aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas. Une disposition applicable aussi aux assemblées provinciales. Pour protester, ils ont décidé de boycotter, jusqu’à nouvel ordre, toutes les plénières de l’assemblée provinciale du Sud-Kivu. L’argument des députés passerait si l’infraction de leur collègue n’était pas flagrante…

« Nous avons l’obligation de faire respecter les lois de la République et de mettre fin à l’impunité« , martèle Pascal Mukonkole, procureur général près la Cour d’appel. Les lois sont impersonnelles et faites pour tous les citoyens, ajoute un substitut du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bukavu. « La Justice a fait son travail, on ne doit pas se permettre de commettre des infractions et se cacher ensuite derrière ses responsabilités politiques et autres« , se félicite un activiste de droits de l’homme, au sortir du prononcé de la sentence.

« Nous nous inclinons devant l’arrêt de la cour. Nous allons nous pourvoir en cassation devant la Cour suprême de justice congolaise (basée à Kinshasa, Ndlr) dans le délai de la loi« , informe Me Innoncent Bahati, avocat du condamné. Dans l’attente de l’épuisement de ces 30 jours de recours, Déogratias Buhambahamba demeure député, car la condamnation n’est pas encore irrévocable au sens de l’article 110 de la Loi du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution. Acheminé le jour même de la sentence, menottes aux poignets, à la prison centrale de Bukavu, l’Honorable y restera jusqu’à l’arrêt de Cour suprême de justice.

 

Paul Durand

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