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    Bas-Congo : les “mamans manœuvres”, accusées de faire galoper les prix

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    mamans manoeuvres(Syfia Grands Lacs/Rd Congo) Dans les marchés congolais, des femmes dites « mamans manœuvres » se sont imposées comme intermédiaires obligés entre les agriculteurs et les vendeuses au détail. Accusées de léser les paysans qui viennent vendre leurs produits en ville et de faire monter les prix, leurs activités souvent décriées devraient être mieux contrôlées.

     

     

     

    Ce mercredi d’octobre, le parking du marché Makaku, à Matadi, est en pleine effervescence. Comme à l’accoutumée, à l’arrivée d’un véhicule chargé de marchandises, des femmes accourent en lançant des cris de joie. Elles jettent leurs pagnes dans le camion comme pour désigner chacune un produit, se le disputant parfois à plusieurs. « C’est moi qui ai choisi ces caisses de tomates », crient deux d’entre elles en se chamaillant, sous le regard amusé d’une paysanne, propriétaire de la marchandise.

    Appelées “mamans manœuvres”, ces femmes sont devenues les principales actrices dans la chaîne de fixation des prix sur les marchés des villes en Rd Congo.
    Ce système a débuté il y a quelques années, dans les petits ports fluviaux et parkings des marchés de Kinshasa, la capitale du pays. Il s’est ensuite répandu en province. A chaque arrivée des camions ou de bateaux pousseurs qui rapportent des produits agricoles de la campagne vers la ville, ces femmes s’emparent presque de force de la marchandise des paysans et se chargent de la revendre à d’autres acheteurs. « Nous procédons ainsi pour aider les agriculteurs à vite écouler leurs produits », explique l’une d’elles, maman Mapasa. Cela leur évite en effet de nombreuses autres tracasseries, très courantes en ville.

    Intermédiaires puissantes
    Battantes, elles s’imposent ainsi en véritables intermédiaires entre petits producteurs de campagne qui ne connaissent souvent pas la ville et n’ont pas assez de pouvoir pour fixer le prix de leurs marchandises, et les commerçantes qui viennent les acheter pour les revendre en détail sur le marché. « Elles connaissent mieux le milieu et les clients », avoue Bibiane Nsolola, une paysanne venue vendre de la tomate à Matadi. Fortes de cette confiance, elles dictent les prix d’achat et de vente des produits aux uns et aux autres. Leur habileté à manœuvrer entre les deux parties leur permet ainsi de se faire une marche bénéficiaire sur le prix payé aux paysans. D’où leur surnom de “mamans manoeuvres” …
    Evêque du diocèse de Kisantu, Mgr Cyprien Mbuka a récemment dénoncé cette pratique auprès des autorités de la province du Bas-Congo. « Il faut trouver une solution pour ces paysans. Ils travaillent durement mais sont exploités par les intermédiaires qui gagnent plus qu’eux », a-t-il plaidé. Pour une caisse de tomates qu’elles prennent aux paysans à 8 000 Fc (8,8 $), les intermédiaires les revendent à 15 000 Fc (16,6 $), gagnant en peu de temps presque autant que le prix de revient des producteurs. « Il faut que l’Etat sécurise les gagne-petit que sont les paysans en abolissant cette pratique des mamans manoeuvres », exige Mamie Batila Mahungu, coordonnatrice de Groupedi, une Ong de développement spécialisée dans la culture du manioc.
    Sûres des marges bénéficiaires qu’elles réalisent, certaines femmes soignent parfois aux petits oignons leurs fournisseurs. Elles leur donnent de quoi manger et boire, leur offre parfois un toit où dormir. Elles se défendent avec acharnement contre ceux qui les accusent de racheter à bas prix les produits aux paysans et d’entretenir la surenchère sur le marché. « Ils doivent nous comprendre, car les produits maraîchers par exemple sont périssables, nous perdons beaucoup », explique Bea Mvumbi.

    Organiser les circuits de vente
    Lorsque la production est abondante, elles doivent disent-elles, baisser les prix pour éviter la mévente. Et quand les produits agricoles se font rares en ville, certaines vont les chercher dans les villages où elles les échangent contre des biens manufacturés (savon, sucre, sel…) proposés au prix fort aux paysans. D’autres « subventionnent » les cultures en remettant des semences et des outils aratoires aux villageois.

    A Minkondo, un marché de Matadi où elles ne veulent plus être appelées “mamans manœuvres”, elles se sont regroupées en mutuelle des mamans vendeuses des produits agricoles. Le bourgmestre adjoint de leur commune, Edmond José Nzita, dit « fournir des efforts pour contrôler leur activité, pour que les prix ne galopent pas. »
    Connaissant la force de ces femmes, Bruno Kitsiaka, Ingénieur agronome du projet Horticulture urbaine de la FAO, préconise une solution pour en sortir. Il faut, dit-il, organiser les circuits formels de commercialisation pour aider les agriculteurs à jouir de leur travail, « car les mamans manœuvres sont très branchées. » En contact avec des bailleurs de fonds, Mamie Batila espère, elle, qu’ils les aideront à construire des dépôts en ville, où ils pourront eux-mêmes vendre leurs marchandises. « C’est de cette façon seulement que nous pourrons être en contact direct avec les consommateurs », plaide-t-elle.

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