COUPABLE D’ETRE CHRETIEN…

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ordination sacerdotale/infobascongo
ordination sacerdotale/infobascongo

Les festivités du début de nouvel an 2011 ont été colorées couleur rouge sang de chrétiens. On est sans ignorer que, dans la nuit du réveillon, pendant que l’humanité entière fêtait le passage de l’année 2010 en sa version nouvelle,  nous parviennent les tristes nouvelles de chrétiens massacrés pendant qu’ils étaient  dans la prière et l’action de grâce. A Jos au Nigeria comme à Alessandria en Egypte, le sang des chrétiens a coulé sous l’effet des bombes des adversaires 

 

 1.        Qui est derrière ces attentats ?

Les deux dernières attaques contrairement a contrairement à celles antérieures revendiquées par Al Qaeda  n’ont pas encore été revendiquées. Plusieurs pistes semblent possibles. Les autorités égyptiennes évoquent uniquement la piste d’Al-Qaïda. Le ministère de l’intérieur et le président ont parlé de « mains étrangères ».

 

L’on se souviendra que la branche irakienne de l’organisation terroriste avait menacé le 1er novembre, en revendiquant l’attentat contre la cathédrale de Bagdad qui avait fait 58 morts, de s’en prendre aux coptes, la plus importante communauté chrétienne au Moyen-Orient, si leur Église ne libérait pas Camilla Che hâta et Wafaa Constantine. Ces deux chrétiennes, épouses de prêtres coptes, présentées comme « emprisonnées dans des monastères » pour s’être converties à l’islam. Le numéro deux d’Al-Qaïda, Ayman Al Zawahiri, est égyptien et nourrit une haine personnelle contre son pays d’origine.

Mais cette piste pourrait en croiser une autre, celle des fondamentalistes islamiques égyptiens. L’attentat de l’église des Saints « est le résultat de la mobilisation anti-copte et des mensonges propagés récemment contre l’Église », a ainsi affirmé le synode des évêques coptes d’Alexandrie.

Ils faisaient allusion à plusieurs manifestations, dont la dernière a eu lieu vendredi 31 décembre, organisée devant une grande mosquée en plein centre d’Alexandrie, sans que la police intervienne, appelant à punir les coptes s’ils n’acceptent pas de « libérer » Camilia Chehata et Wafaa Constantine.

 
Toutefois, note Sharif Azer, de l’organisation égyptienne des droits de l’homme, « il s’agissait jusque-là d’attaques par des hommes armés, des fondamentalistes égyptiens. Cette fois, la nature de l’attaque est différente : il s’agit d’une bombe, peut-être la marque d’un groupe actif par-delà les frontières. Les coptes craignent de nouvelles violences lors de la célébration du Noël orthodoxe, le 6 janvier », ajoute-t-il.

  Cette analyse serait incomplète si elle ne prend pas en compte deux phénomènes complémentaires : l’extension de l’Al Qaeda dans l’Afrique de Sahel et dans la bande qui longe l’Océan Indien. Les jours qui viennent doivent compter avec une recrudescence de la violence fondamentaliste dans cette double région en compensation de l’excès de contrôle opéré contre eux sur les territoires euro-américains. La faible stabilité politique de la région doublée de la mauvaise gouvernance fait de l’Afrique le théâtre opportun a ce type de violence impitoyable.

  L’autre phénomène c’est bien l’instrumentalisation de la religion pour des motifs politiques. Le message religieux entre dans le cycle de la  manipulation, de l’instrumentalisation pour des fins politiques. A ce niveau les trois religions monothéistes issues du même père Abraham sont en demeure d’entrer en collision et les effets collatéraux seront hélas! incalculables.

   

2. Grille de lecture des attentats contre les chrétiens…

Ces actes de violence décrits ci-dessus doivent nous aider à voir ce que les  autres ne voient pas. Car , qu’on se le dise, chaque acte terroriste est un langage et adresse un message. Il envoie des signaux en vue d’un objectif. Dans ce cas, une quelconque réaction épidermique des chrétiens serait une faiblesse plus dommageable que la violence elle-même. Il s’agit plutôt  d’entrer dans les plans secrets de l’ennemi et de scruter ses desseins. En ce cas de figure, quel est l’agenda caché ? Quels sont les objectifs poursuivis par les auteurs de ces attentats ? Ils sont trois :

a)       L’effet de provocation ?

Lorsque les terroristes prennent la décision de frapper les coptes a Alexandrie ou les chrétiens a Lagos, ils n’entendent pas s’en prendre au prêtre célébrant principal ni aux participants de la cérémonie. Ils s’en prennent au fond d’eux-mêmes au tenants d’en système. Ils identifient ces chrétiens au monde occidental qu’ils qualifient de , le grand Satan et contre lequel ils sont prêts a livrer la guerre sainte jusqu’ a la dernière goutte de leur sang. Faire sauter la bombe ici et la entre dans la droite ligne d’attirer l’attention sur leur capacité de nuisance et surtout pousser les victimes a réagir avec leur même méthode de la violence. Ici s’ouvrirait une brèche et ils auront raison de livrer une bataille qu’ils ne peuvent gagner contre le véritable ennemi trop puissant dans l’équilibre des forces.  Ici dans le cas où les chrétiens réagissent avec la même arme de la violence, ils tomberaient à coup sur dans  le piège de l’adversaire qui souhaitait exactement ce scénario.

b)      L’effet de violence totale.

Après l’attentat, des centaines de coptes ont manifesté leur colère et leur douleur, et des affrontements ont éclaté devant l’église Al-Qiddissine avec les forces de l’ordre. Samedi 1er janvier au soir, au moins 5 000 personnes ont assisté aux obsèques des victimes. La foule a refusé les condoléances du président Moubarak, criant « Non, non, non » quand l’évêque Youanes, le secrétaire du pape copte Chenouda III, a voulu transmettre les condoléances du chef de l’État.. 

Dimanche 2 janvier au matin, des centaines de fidèles assistaient à la messe dominicale à l’église des Saints, avec des larmes pour leurs « martyrs » et des mots de colère contre les « fanatiques » qui s’en prennent à leur communauté. Le prêtre qui officiait n’a pas prononcé de sermon, choisissant le silence.

La politique de la terre brulée est au propre comme au figuré la méthode al quadiste. Tuer pour tuer, verser le plus de sang possible et en faire la démonstration de force devant les cameras des medias nationaux et internationaux, créer le climat de panique générale et faire taire la rationalité collective.

 Dans ce désordre généralisé, il y a un petit noyau qui commande et qui a la tête froide pour avoir le contrôle de la situation. Cette petite élite est en effet celle qui est en guerre contre un autre ennemi qui n’est pas le continent africain. Ce qui se passe au Sahel avec des enlèvements des expatriés ; au Kenya et en Ouganda avec des explosions terroristes ; au Nigeria et en Egypte aves des bombes ciblées contre les chrétiens porte un lien commun : la translocation de la guerre entre l’Occident et l’Orient sur le sol africain. Chacun  de deux protagonistes laissera se propager cette violence avec des intérêts  différents. L’Orient réussira petit à petit à déplacer l’épicentre de la guerre qui jusque sous peu avait l’Irak et l’Afghanistan pour champ de bataille. Il le déplacera sciemment pour éloigner l’ennemi de leurs territoires. Cette translocation fait fonction de la diversion. Il déplace le champ de bataille pour se donner  le temps de se réorganiser. Comme le dit le 123e stratagème chinois dont Sun Tsu, on sonne le cor de la guerre à l’Ouest pour attaquer à l’Est.   L’Occident quant à lui joue sur une autre corde. Il  laisse sciemment  pourrir la situation politique pour ainsi dire sécuriser  ses intérêts économiques. Il profite à son tour de ce désordre pour faire acte d’ingérence dans les politiques intérieures de ces gouvernements faibles et/ou affaiblis par la corruption et la mal gouvernance. Il va profiter de ce désordre pour imposer sa loi. Sous prétexte de venir éradiquer   les maux de la violence, il saisira l’occasion en or pour infiltrer les services de sécurité intérieure et pour les manipuler à sa guise.

c)       Naissance d’un choc de cultures…

Ce à quoi les européens et les arabes veulent pousser l’Afrique, c’est de l’amener à faire sienne la guerre de religions, c’est de convaincre les africains qu’ils ne peuvent plus vivre ensemble tant qu’ils ne se sépareront pas les uns des autres au sein d’un même peuple, tant qu’il ne se créera pas une ligne de fracture entre  ceux qui ne pratiquent pas la même  religion. Ce faisant, les prévisions de Samuel Huntington semblent trouver alors un terrain de prédilection en Afrique. Le choc de civilisation prend la forme du choc de croyances religieuses. A bas la liberté religieuse, au diable vauvert le respect de libertés fondamentales, en l’occurrence celles de choisir sa pratique religieuse et de la professer, celle de respecter en même temps le choix des autres et de vivre en convivialité avec eux. Ce scénario macabre pourra à la longue connaitre un effet boule de neige. Il pourra outrepasser les frontières de deux camps, à savoir le camp chrétien et celui musulman jusqu’à embraser tout l’espace social, souffler sur les braises ardentes des religiosités ethniques jusqu’ici favorables à la vie conviviale.

3. Que doit être la réaction de chrétiens ?

A la lumière de tout ce qui vient d’être dit, il est évident que la réaction que doit adopter les chrétiens doit tenir compte des conséquences à court et à long terme mais surtout de la fidélité à l’idéal de la paix qui est le leur. Je m’en vais proposer trois pistes à ce sujet.

a)       Eviter de jouer la victimisation.

Devant des situations de violence aveugle et barbare qui procèdent par la stigmatisation des gens dans des camps opposés et les dresser les uns contre les autres, il est nécessaire de prendre le temps d’analyser les causes profondes du conflit et attaquer le mal par la base. Ici la base,  c’est l’instrumentalisation de la foi religieuse pour servir des mobiles politiques. Il faut éviter d’entrer dans le jeu. Il faut à tout prix éviter de réagir à la violence par la violence. Car, comme le sang appelle le sang,  la violence se nourrit de la violence et pour les chrétiens, la manière meilleure de l’affamer, c’est de lui priver une réaction similaire.  Le feu de  violence s’éteint avec l’eau de la non-violence. Jouer la victimisation c’est en d’autres mots s’attirer la pitié des autres, une pitié qui engendre rancœur, la rancœur qui produit la vengeance et une vengeance qui porte coup contre coup jusqu’à provoquer un cycle de violences interminables. Le chrétien se posera quant à lui en un acteur conscient de son rôle de se dresser en faux contre ceux qui ont opté pour les forces de la haine et de la destruction. Il s’unira au chœur de nombreuses voix de solidarité et de raison qui se sont élevées pour dénoncer à cor et à cri tout acte de violence , d’où qu’il vienne. C’est le lieu de professer sa foi en l’homme qui est unique dans une humanité unique. Tout ce qui en quelque lieu est fait contre l’homme blesse en fin de compte tous les hommes. Verser le sang de fidèles, de chaque croyant et de chaque créature offense Dieu lui-même.  

b)      Imposer une autre opinion publique de convivialité religieuse…

Dans le cas d’Al Qaeda qui pratique la violence aveugle, la réflexion a montré ses limites. Mais il nous reste encore une autre stratégie pour ne pas lui permettre de prendre pied sur la terre africaine. Il s’agira de mener campagne de sensibilisation a la Radio et T.V nationale sur l’inutilité de la violence et de l’importance sans mesure de la cohésion nationale.

Il faut des images publiques fortes qui montrent des Chefs et Responsables Spirituels se serrer les mains et démontrer a l’opinion publique que la convivialité n’est pas un simple rêve. Elle est déjà vécue par ceux-là même qui nous indiquent la voie. A ce niveau, l’attitude du grand iman d’Al-Azhar, grande institution de l’islam sunnite au Caire, cheikh Ahmed Al Tayyeb, qui lundi dernier  dénonçait cet acte odieux tout en s’opposant  publiquement au pape qu’il accusait d’ingérence dans les affaires intérieures est tout à fait contreproductif.

Il s’agit d’unir les forces de bien contre le forces de la mort. Les divergences peuvent être aplanies plus tard. Il s’agit de faire la démonstration de force d’une communion de vues et de destins en vue de dire au monde entier  que quelle que soit leur appartenance religieuse, tous les humains sont fils d’une même  famille humaine. Il ne s’agit pas pour le faire d’attendre la grande rencontre d’Assise qui voit réunir une fois l’an les responsables de grandes religions autour du Saint Père. Il s’agit de répéter le plus souvent cette expérience dans les frontières de chaque pays africain. Cette pratique continuelle nous aidera à déjouer les plans de l’ennemi et de prévenir maints conflits inutiles et sanguinaires.

Ces rencontres continuelles des responsables religieux doivent être relayés par des fréquentes rencontres des bases civiles dans leur diversités. Ne faudra-t-il pas que des mesures préventives soient prises pour multiplier justement des manifestations sociales ou les gens de différentes pratiques spirituelles parlent, fêtent ensemble, prennent conscience de la communauté de leur destin. Les opérateurs politiques ont fort à faire sur ce plan. Avec l’immense espoir que je me fais qu’ils sont tous en poste  de responsabilité plus pour  prévenir ces maux sociaux que pour chercher pour simplement à les guérir lorsqu’ il est déjà trop tard.

c)       L’occasion en or pour témoigner de l’Evangile…

Le moment le plus opportun où la foi chrétienne s’est propagée dans le monde, c’est le moment où ses fils et filles ont été sujets à la persécution. Loin de nous l’idée de faire l’éloge de la violence, il ne s’avère pas moins vrai que cette souffrance infligée sur les disciples du Christ peut se retourner en leur faveur.

Dans son discours sur la Montagne, le Christ ne dictait pas une simple  morale de vie. A travers ces béatitudes, il dévoilait sa vraie identité du Messie. Le nouveau Messie, envoyé par le Père dans les cieux, sera pauvre, assoiffé de paix et de justice, artisan de paix, plein de miséricorde jusqu’à pardonner soixante dix-sept sept fois. Le visage de Dieu se dévoile à travers ces fondamentaux et ce faisant personne ne peut se déclarer son disciple s’il n’entre pas dans cette nouvelle logique de vie  qui des méthodes nouvelles d’agir et de réagir.

En clair, la soif de la justice et de paix doit aller au-delà de nos petites vues humaines. Elle doit être notre ADN spirituel ou mieux cette nouvelle création qui structure notre vie. Ceci est d’autant fondamental que le chrétien ne doit pas lâcher prise ; il ne doit reculer devant aucun obstacle quand il s’agira de témoigner de cet idéal de paix et de justice. Même si pour cela, il doit être insulté, même si pour cela il va être pris pour un lâche, même si pour cette raison il peut être persécuté et être assassiné.

Tenez ! Il ne s’agit point de chercher la mort pour la mort . I s’agit de défendre jusqu’au bout les valeurs de la paix. L’opiniâtreté à aller jusqu’au bout de la logique de la paix est la béatitude suprême. Le gage de la fidélité au divin Maitre qui nous en a donné le modèle. Cette persévérance à aller jusqu’au bout forme le vibrant témoignage chrétien. Oui, le sang des martyrs, c’est la semence de l’église. Là où le monde traite les chrétiens de coupables en leur faisant porter une fois de plus la croix du Christ, c’est précisément à cet endroit là qu’ils plantent la bandière de la  victoire. Une victoire de l’amour, le triomphe de la civilisation de l’amour.

Nous ne sommes plus  coupables parce que  nous sommes chrétiens, loin s’en faut. Nous serons plutôt coupables dès lors que nous renonçons à l’idéal de la paix et de l’amour pour lequel le divin Maitre a accepté la potence de la croix. Nous serons jugés coupables aussi bien pour nos trahisons envers l’onction baptismale que pour notre infidélité à l’onction de l’Esprit du Ressuscité  qui nous nous met en demeure d’aimer notre ennemi, de prier pour sa conversion, de lui vouloir du bien, de lui témoigner suffisamment de la patience et de la bonté pour le retourner à la Vie. La condamnation à mort des chrétiens ouvre de nouvelles perspectives de porter l’Amour du Christ au-delà de l’inattendu, par-delà les forces de la mort jusqu’à ce point messianique où le loup mangera avec l’agneau, l’enfant jouera avec la vipère, le bourreau fumera le calumet de la paix avec la victime. Les événements de Nigeria et d’Egypte nous placent à la croisée des chemins. A ce niveau,  chaque disciple de Jésus est appelé à faire un choix crucial entre les voies de la violence ou les exigences de la paix… L’avenir de toute l’humanité est en train de se jouer à ce tournant. Comprenne qui pourra !

                Par  Abbé  Germain NZINGA MAKITU