Nord-Kivu:les Pygmées refusent désormais le troc

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(Syfia Grands Lacs/Rd Congo) De plus en plus en contact avec d’autres peuplades de la région, les Pygmées du Nord-Kivu refusent désormais le troc. Encouragés par des Ong, ils monnayent leurs produits et leur force de travail pour être respectés et vivre décemment.

Samedi est jour de marché à Mantumbi. Cette localité située en pleine forêt, à 70 km de la ville de Beni, au nord de Goma dans le Nord-Kivu (est de la Rd Congo), est essentiellement habitée par des Pygmées. Ceux-ci y vendent des produits de la cueillette et de la chasse : plantes médicinales, racines aphrodisiaques, fruits, légumes, viande boucanée… Bébé sur le dos, Kabibi Bayaka vend ce jour de la viande de chasse. Maintenant, « je refuse de faire l’échange viande contre sel, sucre ou savon« , prévient cette femme pygmée. Pari gagné : elle a réussi à vendre sa marchandise pour 55 000 Fc (55 $).

Dans les milieux de ce peuple de la forêt, c’est une grande révolution. Depuis la nuit des temps, ils ont en effet toujours recouru au troc pour échanger leurs produits ou vendre leur force de travail. Mais les contacts avec les peuplades bantoues de la région s’étant multipliés ces dernières années à cause de la progression de la déforestation – la forêt étant leur habitat naturel – ils ont commencé à adopter de nouveaux modes de vie. Ils vont à l’école où ils apprennent à lire, à écrire, à compter…

 « Compter n’est plus la mer à boire »

Dans les marchés comme dans leurs villages, ils s’habituent du coup à fixer et à discuter fermement les prix de leurs produits, abandonnant ainsi le troc. Apiobo Amuri, l’un des chefs traditionnels des Pygmées, est fier de l’émancipation de ceux qui ont longtemps été considérés comme des “sous-hommes” par les Bantous. « Cela fait plusieurs semaines que je ne cède plus à la sollicitation des ces gens qui venaient nous faire boire, nous donner des habits usagés en échange de nos produits« , dit-il. Il affirme que compter l’argent, « ce n’est plus la mer à boire.«  

Cette évolution a aussi été rendue possible grâce au travail des Ong. Depuis quelques années, certaines d’entre elles se battent pour défendre le milieu de vie des Pygmées menacé par la déforestation, et font le plaidoyer pour améliorer leurs conditions de vie. « Nous les sensibilisons à ne plus se fier uniquement à la cueillette et à la chasse, mais à faire aussi l’agriculture« , explique Edwige Kahindo, de l’Ong de défense des Pygmées.

Connus pour leur bravoure dans le travail, ils servent souvent de main-d’œuvre dans les champs des autres peuplades. Et ils étaient toujours payés en monnaie de singe : de la bière locale, des vieux vêtements voire du chanvre. Aujourd’hui pourtant, Matayo Kabwana du village Mbutaba, discute ouvertement le prix avec sa patronne, avant de cultiver une étendue de terre. « J’exige, dit-il, 10 000 Fc (11 $), pas plus pas moins. C’est à prendre ou à laisser, car je dois passer toute une journée à faire ce travail et revenir demain à l’aube. »

Intégrer les Pygmées

Dans les villages, les jeunes femmes pygmées qui portent les bidons d’eau ou qui gardent les bébés pendant la journée en l’absence de leurs mères, refusent aussi les vieux pagnes qu’on leur donnait en échange. « Pour rester bercer un bébé ou garder les enfants, j’exige 3000 Fc par jour« , explique Antoinette Mapilapo.

Les Ong locales multiplient entre-temps les émissions dans les médias, organisent des séminaires et ateliers pour pousser la population à faciliter l’intégration des Pygmées dans la vie sociale, économique et même politique du pays. « Ce peuple des forêts a beaucoup de choses à nous apprendre, notamment dans les domaines de la médecine naturelle, de la zoologie et de la géographie dans lesquels il est excellent« , fait remarquer Raymond Kabwana, de l’Ong Programme d’appui aux Pygmées. Elles luttent aussi contre certaines idées reçues, qui laissent notamment croire que quand un militaire mange de la chair de Pygmée, il ne peut jamais être atteint par une balle.  Par Jacques Kikuni

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